Toujours un peu la même chose ?
« Aucune réponse ne sera donnée à l’avance, il vous appartient de trouver vous-même ce qui vous habite en votre fort intérieur. Vous êtes là pour explorer des parts que vous ignorez, à l’aide de ce dispositif révolutionnaire. Si vous êtes ici, il n’y a pas de hasard, le hasard n’existe pas et croyez bien que c’est vous qui, d’une certaine manière, vous êtes débrouillé pour vous trouver ici-même parmi nous. »
Elle entendait ce discours classique des stages de développement personnel où l’on vous promet d’être guéri de tous vos maux depuis vos blessures originelles ou de recevoir l’illumination. Elle ne croyait guère à ces fadaises mais elle avait bien voulu accompagner son amie journaliste qui devait écrire un article sur ce séminaire très en vogue actuellement. Elle ne niait pas la bienveillance de l’animateur, ni du groupe, mais elle pensait être encore tombée dans un de ces groupes pseudo-spirituels qui remplissaient les pages publicités de certains magazines.
Travailler sur son identité, son intégrité et sa souveraineté, oui, mais elle ne pensait pas qu’on pouvait régler toutes ses difficultés en un one shot. Pour autant, elle se surpris à tendre l’oreille car derrière ce qui semblait des propos un peu fallacieux et illusoires, elle sentait qu’il y avait autre chose. Peut-être que finalement elle allait apprendre quelque chose de ce stage. Même si cela lui paraissait un peu fou. Avec Béatrice, elle en avait fait des stages et des séminaires et beaucoup étaient intéressants, mais si l’on a déjà travaillé sur soi, c’est un peu toujours la même soupe qui est resservie et elle n’avait aucun appétit pour ces concepts new age éculés. Certes l’humanité avait grand besoin de se prendre en main et de s’occuper d’elle si elle voulait avoir un avenir sur cette planète, et si ça passait par des séminaires où des gens prenaient conscience de leur fonctionnement délétère, c’était une bonne chose, mais voilà, elle n’en était pas à sa première expérience.
Les vertus du travail sur soi
Toute à ses réflexions, une partie d’elle continuait à écouter le discours un peu séducteur. « Tiens, il parle d’abondance maintenant. » Là aussi, abondance, loi d’attraction, tout cela, elle connaissait et savait que cela n’était pas aussi simple. Que l’être humain est complexe et que malgré sa bonne volonté, ses vœux, des visualisations, incantations et autres rituels, le succès, la gloire et la richesse étaient rarement au rendez-vous. Il y a toujours une part que l’on ne maîtrise pas et c’est bien ainsi. Ah maintenant, c’est le chapitre de l’égo. Encore un thème rebattu. Elle en avait parcouru des pages de magazines, écouté des podcasts, pratiqué des cours de méditations, mais son égo, elle en avait besoin pour vivre ! Pour travailler, pour s’orienter, pour communiquer, pour interagir, pour prévoir et s’organiser. Il n’était ni monstrueux, ni hypertrophié. Et dans son quotidien, il lui était fort utile. Et puis maintenant le thème de l’inconscient. Nous y voilà, nos croyances, nos saboteurs, l’inconscient collectif, le transgénérationnel… Oui, tout cela fait partie de nous et nous agit trop souvent à notre insu, mais là encore, elle ne croyait pas en la baguette magique, mais à la mise en conscience par le travail thérapeutique, l’expérience, certaines méthodes étonnantes et efficace qu’elle avait expérimentées comme la Gestalt-thérapie, les constellations systémiques et familiales, l’EMDR, l’hypnose, la créativité, la sophrologie, la kinésiologie, les états de conscience élargis, la respiration holotropique, et d’autres encore. Alors quoi, ici ce serait différent ?
Et de la nouveauté ?
Elle se rendit compte soudain qu’elle partait sur une mauvaise pente, elle critiquait et n’était plus du tout présente à ses sensations, à ses ressentis, à l’environnement. « Oui ma belle, tu as bien un égo qui vient de prendre le pouvoir ! ». Elle qui était surentraînée à le traquer venait de tomber dans un piège. A cette pensée, elle sourit et croisa le regard de l’animateur. Il lui sourit en retour, comme s’il avait deviné là où elle en était rendue de ses réflexions et comme pour acter que le bruit de ses pensées venait subitement de cesser. Elle n’eut pas envie de se soustraire à ce regard clair et doux qui lui semblait lui passer des messages sibyllins. Elle n’eut pas envie non plus de l’affronter. Elle resta ainsi face à lui, ancrée, stable et amusée de cette connexion qui s’établissait entre eux. Puis il quitta le contact et regarda une autre personne. Et elle se sentie soudain légère, même un peu euphorique ! Que venait-il de se passer ? C’était comme si lumière s’était allumée quelque part en elle, éclairant un espace jusque-là inconnu ou inexploré. Un endroit ancien et lointain qu’elle n’avait sans doute jamais visité. Etonnée et surprise, elle se demanda ce qu’il avait fait pour que cette porte en elle s’ouvre sur un champ lumineux et insoupçonné. Elle regarda autour d’elle, attentive à ses sensations étranges et nouvelles, et découvrit le magnifique le décor de nature. Le groupe était à l’extérieur, dans l’herbe, au pied d’une douce colline, quelques arbres bruissaient alentours, le soleil jouant à cache-cache avec les feuilles vert tendre. Des abeilles bourdonnaient en volant de fleur en fleur autour du petit groupe. Deux papillons surgirent soudain dans son champ de vision et elle sourit spontanément à cette joyeuse danse à deux. Elle se sentit respirer profondément, percevant comme une sensation de chaleur et d’ouverture dans son cœur. « Mince alors, se dit-elle, mon cœur était-il si fermé que cela ? ». En fait, probablement. Et cet homme, d’un seul regard vrai, sincère et inconditionnel, paraissait le lui avoir ouvert. Son corps entier se mit alors à trembler doucement à cette prise de conscience, comme si elle sortait d’une sorte de torpeur. « C’est fou ça ! Un seul regard pourrait me transformer ? Cet homme était-il un magicien ? ». Elle entendit alors comme une voix dans sa tête. En fait, elle devinait les paroles plus qu’elle ne les percevait distinctement. « En réalité, la connexion s’est faite quand tu as quitté tes pensées stériles et récriminantes pour accepter que quelque chose d’autre se passe. Tu as accepté la nouveauté, tu as accueilli l’instant présent et créé l’ouverture pour que, grâce à ce contact le miracle se produise. Aucun prophète ne détient la vérité, seule la présence dans l’instant présent et l’amour, car c’est ce dont il s’est agi, peut te permettre de te connecter à tes parts de lumière et d’amour qui gisent en toi derrière des couches de croyances et d’injonctions. Tu as permis à un chemin de se frayer dans les brumes de pensées auto-entretenues, et, comme si tu avais branché une fiche dans une prise électrique, le contact s’est fait. Un contact avec cette personne qui, au même instant, était tout amour pour toi, les autres, l’instant, la nature, la magie de la vie. Aucune réponse ne sera donnée, seule l’expérience compte, l’expérience d’accepter d’être là, ici et maintenant, sans attente ni projet, et peut-être qu’à ce moment la magie opère, comme une syntonisation avec quelque chose de plus grand que toi qui se produit. Tu l’as vécu s’entendit-elle, tu peux le vivre à nouveau, sentir en toi le moment où tu prends conscience de ton fourvoiement pour revenir là. Vivre l’instant, le vivant, plutôt que de le penser. Finalement n’est-ce pas la réponse à une question que chacun·e a dû se poser en son fort intérieur ? Pourquoi sommes-nous là si ce n’est pour saisir le vivant dans l’instant et le savourer pleinement, authentiquement, sans crispation, sans retenir notre souffle, mais en l’habitant profondément dans toutes nos cellules, nos tissus, nos synapses, toutes nos sensations et nos émotions ? ». Elle se laissa alors complètement traverser par la vie et sut alors immédiatement qu’elle avait bien trouvé la réponse.
Carlotta Munier
(Le 22 décembre 2024)
(Illustration générée par IA)
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