Paix et sérénité

Amélie contemplait l’intérieur de son salon avec tendresse et se sentait sereine dans ce décor cosy qu’elle avait créé au fil de sa vie, de ses voyages, avec des objets chinés, achetés, ramassé ou reçus en cadeau. Des couleurs gaies, du bois de différentes essences, une bibliothèque éclectique et surtout de larges fenêtres qui laissaient le soleil inonder cet espace douillet, comme pour dissiper tout recoin d’ombre, ombre qui pourrait se tapir dans des interstices minuscules, comme en attente d’être traquée, découverte, explorée, reconnue. Mais Amélie ne voulait plus explorer ses parts d’ombre, elle avait longtemps travaillé sur elle, sur les drames de son passé et elle se sentait pleine de gratitude pour l’équilibre qu’elle avait patiemment construit.

Des vacances bien méritées

Elle respirait dans sa contemplation tout en faisant ce constat d’une forme d’aboutissement, en se remerciant intérieurement. Son regard se posa sur un caillou lisse et blanc posé là, sur le guéridon, parmi d’autres objets. Un galet poli, symbole de vacances délicieuses en Normandie il y a deux ans. Des vacances bien méritées qu’elle s’était offertes après une longue période trouble et difficile. Elle sourit en évoquant ces longues marches en bord de mer, en passant par des plages, en grimpant sur les falaises, en redescendant à la rencontre de nouveaux lieux, en se remémorant des rencontres, des personnes qui, pour certaines, étaient devenues des amis, d’autres pas. Son cœur se senti plein de joie à revivre ces petits moments de bonheur et de plénitude, comme une douce réparation de trop de drames endurés.

Mal à l’aise

Tout en promenant son regard sur cette pièce lumineuse qui était autant un refuge qu’un lieu de ressourcement, elle senti en elle une crispation soudaine dans son plexus solaire. Surprise, elle refit lentement le parcours de ses yeux pour repérer à quel endroit avait surgit la contraction. Elle se rendit compte qu’un livre étant sorti du rayonnage, dont elle ne se souvenait pas qu’elle l’eut touché récemment. Le titre : « la cathédrale de l’âme ». Intriguée, ses sourcils se rejoignirent sur son front plissé. En fait, elle ne se souvenait même pas de cet ouvrage ni de comment il était entré en sa possession. Et une boule commença à se former dans sa gorge qu’elle tenta d’avaler avec effort. Elle prit une grande respiration et se rapprocha. Elle tendit une main hésitante et saisit l’objet avec une sorte d’appréhension. Elle se dit que c’était étrange de ressentir de telles sensations en contact avec un ouvrage portant un si joli titre. Mais le fait était qu’elle se sentait mal à l’aise. Elle avait pourtant l’habitude de ce genre d’événement, de synchronicités, de mouvements ou d’objets qui parfois apparaissaient à l’orée de son champ visuel sans pouvoir les saisir. Elle était familière d’entendre la voix de son intuition qui lui soufflait des messages qu’elle écoutait avec attention. Pourquoi une telle réaction de son corps ?

Une révélation

Elle retourna alors le mince opuscule et sursauta en découvrant la quatrième de couverture. Elle était toute noire, d’un épais papier mat avec écrit en lettres rouge vif et brillant « un chemin vers l’enfer » !

Comme brûlée, elle lâcha brusquement le livre qui tomba entrouvert sur le sol. Reprenant ses esprits, elle se baissa lentement pour ramasser le livre en glissant le pouce entre les pages pour le garder ouvert à la page révélée par la chute. Son regard se posa alors sur les lignes suivantes et elle lut « Et si l’enfer n’était finalement que ces histoires que l’on se raconte et que l’on ressasse sans cesse pour ne pas se rencontrer tel qu’on est ? Pour tenter de se prouver continuellement jusqu’à s’en convaincre que l’on est quelqu’un de bien et de n’aspirer qu’à être reconnu comme tel. Et si la voie était celle d’accueillir notre part d’humanité qui n’est ni jolie, ni brillante, dont on est peu fier, sinon honteux, une part boueuse et collante qui se tient tapie dans un recoin de notre esprit prête à bondir ? Mais alors même que nous craignons qu’un tigre féroce nous saute à la gorge, c’est un chaton joyeux qui se jette dans nos bras. »

Une nouvelle aventure

Amélie poussa un gros soupir de soulagement, certes mêlé d’une légère appréhension. Elle comprit alors que son chemin de connaissance d’elle-même n’était pas achevé. Que l’équilibre trouvé ne se tiendrait pas immobile car le mouvement, à l’instar des aiguilles d’une horloge reprendrait son rythme, sa lente marche. Oui elle avait encore des parts d’ombre en elle à découvrir, à accueillir et à éclairer. A la lumière de la lanterne de la douceur, de la bienveillance et de l’amour pour elle-même. Accepter et chérir encore quelques blessures, quelques comportements peu honorables qu’elle prenait soin d’enfouir au nom d’être une « bonne personne ». Elle se surpris à se sentir curieuse d’avoir envie de rencontrer les colères, les réactions, les peurs, les peines qu’elle n’avait pas encore abordées, comme si elle se préparait à partir à l’aventure. L’aventure de rencontrer qui elle était réellement, sincèrement, à l’intérieur, et ainsi, peut-être, de découvrir la cathédrale de son âme.

Carlotta Munier
(Le 16 mars 2025)
(Illustration générée par IA)