Constat d’étrangeté
Quelle étrange période nous vivons… Nous sommes au printemps. Et pourtant, si l’on met le nez dehors, il y a de quoi douter. La nature est florissante, les insectes commencent à bourdonner, les arbres s’alourdissent de fruits, mais le thermomètre stagne dans la plupart de nos belles régions. Ce qui est étrange, c’est ce double mouvement de deux réalités antagonistes par rapport à notre habitude. Printemps = douceur. Non, pas cette fois alors que nous approchons du solstice d’été. Cette année, notre printemps est gris, terne, tristounet, froid. A l’image de cette morosité ambiante que l’on peut percevoir un peu partout autour de nous. Voilà que l’on voudrait bien que les choses soient différentes de ce qu’elles sont réellement. Et ce constat d’impuissance nous met dans une forme d’inconfort pour certains — on peut toujours râler, déplorer, se plaindre, cela ne change rien ; ou de philosophie pour d’autres — ceux qui acceptent leur impuissance et en font une ressource.
Nos pressions existentielles
Nous, les Etres Humains, sommes confrontés à ce que l’on appelle des pressions existentielles qui, comme nous ne pouvons les changer, génèrent de l’angoisse. Il y en a plusieurs (petite révision pour les existentialistes) : la solitude, la finitude, la quête de sens, la responsabilité et la perfection. Voici quelques explications sur chacune.
La solitude est notre compagne, de notre premier à notre dernier souffle. Personne ne vit notre vie à notre place — unique — et nous sommes seul.e à décider de ce que nous en faisons. Nous sommes seul.e face aux petites comme aux grandes décisions que nous devons prendre. Et nous en sommes responsable. Nous naissons seul.e et nous mourrons seul.e. Pour beaucoup, cette solitude est terrifiante.
La finitude, c’est la mort de toute chose. Elle est inévitable. Tout est cycle. Tout a un début et une fin. Chaque créature sur cette Terre mourra un jour. Nous également. L’angoisse de mort est bien réelle pour beaucoup de personnes qui pourraient être tentés de la fuir dans des comportements d’évitement par exemple.
De leur responsabilité justement. Nous ne serons jamais totalement libre et aucune liberté ne peut s’exercer sans son corollaire, la responsabilité. Tout ce que nous faisons/ne faisons pas a un impact sur nous et sur notre environnement. Cet impact est notre responsabilité. Ne pas la prendre nous mène inévitablement dans des situations délicates sur les plans relationnel, professionnel, social, familial, etc.
Cela nous amène à nous interroger sur le sens de notre vie ? Le sens de nos valeurs, de nos agissements, de nos engagements, de nos actions. Nous traversons/traverserons, tous, des périodes que l’on appelle « nuit noire de l’âme » ou « nuit obscure », des périodes de doute, de questionnement, d’absurdité, de non-sens. La vie en a-t-elle ? Charge à chacun de trouver le sien. Ou pas. Mais cette question du sens est également génératrice d’angoisse.
Enfin, voici la perfection. C’est là où je voulais en venir. La perfection est inatteignable dans notre monde matériel incarné. Nous avons des limites, des limitations. Oui, nous sommes imparfait ! Et cela nous conduit à constater amèrement notre impuissance dans certaines situations. L’impuissance est une source majeure d’angoisse pour nombre de personnes. Elle nous confronte, elle nous agite, elle nous met en colère ou au contraire nous conduit à la dépression. Douloureuse, déchirante parfois lors de certains drames, elle est le lot de notre propre nature double essence et substance. Quoi faire ? S’incliner peut-être. Que puis-je faire d’autre que m’incliner contre des forces bien plus grandes que moi contre lesquelles je ne peux rien ? S’incliner pour certains. Garder la foi pour d’autres (ça peut être les deux). S’effondrer ou au contraire entrer en résistance contre l’adversité, ce qui ne peut que nous faire vivre des tourments. S’incliner humblement devant notre impuissance, c’est accepter de faire des deuils. Deuils de notre toute-puissance, de nos idéaux, de projets et projections, de nos attentes, de situations et bien sûr d’être chers. Cela peut prendre beaucoup de temps.
Et notre impuissance
Ainsi c’est cette réflexion sur notre impuissance que m’inspire ce printemps étrange qui ne se « comporte » pas comme tous les printemps qui l’ont précédé. Notre impuissance sur la météo, mais surtout sur la vie, sur le monde, sur des épreuves, sur les décisions qui peuvent être prises pour nous, sur le climat, les guerres, etc. Mais alors, sur quoi puis-je agir pour ne pas me sentir aussi impuissant.e et sombrer dans l’angoisse ou la dépression ? La réponse est simple : sur moi. Je ne peux qu’apprendre à me connaître, m’accueillir, m’accepter et m’aimer tel.le que je suis. Je peux prendre appui sur ce qui est bon sur moi, sur ma capacité d’émerveillement, sur mes sensations, sur mes qualités, sur mes valeurs, sur mes compétences, et bien sûr, sur mes (saines) relations pour me tenir debout. Il s’agit sans conteste de me remettre au centre de ma vie, pour que mes mouvements partent de moi, partent de ce qui fait sens pour moi (au lieu de réagir) et ainsi agir avec discernement, intégrité et responsabilité.
Et si le corollaire de l’impuissance était l’intégrité ?
Je vous souhaite une douce fin de printemps.
(Crédit stellastellastella)
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